Echappé de son pays natal, Alexandre Samaan a accompli son rêve : devenir médecin. Etudiant à Limoges, il vient d’être nommé aux urgences de Tours.
Par Franck Lagier
Le 18 septembre 2025 à 19h45
Limoges (Haute-Vienne), le 10 septembre 2025. Alexandre Samaan, 27 ans, est devenu médecin urgentiste. Il y a 11 ans, il ne parlait pas un mot de français. LP/Franck Lagier
« Quand j’étais enfant, j’avais écrit sur un petit bout de papier : je veux être médecin pour soigner et aider les gens. Ma mère a récemment retrouvé cet écrit. J’ai été très ému. » Alexandre Samaan, 27 ans, Syrien d’origine, ne parlait pas français il y a encore quelques années mais a réussi à accomplir son rêve : devenir médecin en France. Et ce malgré les obstacles sur sa route.
À l’adolescence, les bombardements rythment son quotidien. « Un jour, une voiture a explosé à 200 mètres de mon lycée. J’ai vu les morts, des membres arrachés, du sang, les façades effondrées. À partir de là, j’avais peur de sortir de chez moi », confie Alexandre, natif de Rableh.
Clandestin à 16 ans, mention très bien au bac
À 16 ans, après les refus successifs de ses demandes d’asile, il décide de quitter son pays dans la clandestinité. Son voyage l’emmène de la Syrie à la France via la Turquie, la Grèce, l’Autriche et l’Allemagne. « À un moment, j’ai passé deux jours allongé dans le noir avec quatre autres personnes sur le toit d’un camion, sans pouvoir bouger, avec interdiction de parler. Je devais uriner dans une bouteille, je faisais tout pour faire circuler le sang. Ça a duré presque deux jours. Quand je suis descendu du camion, je n’arrivais même pas à me mettre debout. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. »
Arrivé à Toulouse, Alexandre Samaan intègre une classe de première. Brillant en sciences, il travaille d’arrache-pied tout en apprenant le français. Il obtient son bac S mention Très bien, avant de tenter le concours de médecine à Limoges. Il échoue une première fois à cinquante places près. Mais retente l’année suivante et se classe dans les quarante premiers. Il enchaîne les années sans redoubler, effectue plusieurs stages avant de choisir les urgences. Il vient d’être nommé aux urgences de Tours (Indre-et-Loire)
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« On est fatigué mais on se sent utile »
« Dans ce service, j’aime le premier contact avec le patient, l’adrénaline, le travail d’équipe », explique celui qui enchaîne aujourd’hui les gardes. « On est souvent en sous-effectif et donc fatigués, mais heureux car on se sent utiles. » Alexandre dit avoir grandi dans un pays où « les murs ont des oreilles » et où s’exprimer librement était impossible.
En France il a goûté à la prise de parole en public, s’est inscrit à Eloquentia Limoges, concours d’éloquence qu’il a remporté en mai dernier. « Enfant, le silence m’était imposé. Au bout d’un moment, cela devient quasiment un mode de vie. À l’âge adulte, j’ai décidé que le silence serait un choix. Je me suis inscrit à ce concours et j’ai parlé de mon histoire. Jamais je n’avais ressenti une telle émotion. »
Depuis, Alexandre préside l’antenne d’Eloquentia Limoges, accompagne d’autres jeunes à prendre la parole et a même atteint la demi-finale du concours international à Paris. Une manière de transmettre et de continuer à s’ancrer en France, pays dont il a demandé la nationalité. « Je me sens enfin légitime en devenant médecin. Ce pays m’a beaucoup donné. C’est ma façon de lui rendre la pareille. »