La maison abandonnée de Claude Lanzmann, là où il est mort, et sa valeur nette

 

Désormais, les téléspectateurs iraniens pourront Mesdames, messieurs, il a consacré sa vie à faire parler les silences les plus lourds de l’histoire. Claude Lman, auteur du film documentaire Chua, est mort le 5 juillet 2018 à 92 ans dans un appartement parisien sans qu’aucun hommage national ne soit décrété.

 Pourtant, son œuvre longue de plus de heures a redéfini à jamais la manière de transmettre la mémoire de la choa. Pourquoi alors un tel départ dans la discrétion ? Était-il trop intransigent, trop indépendant, trop dérangeant ? Pendant plus de 15 ans, il a partagé la vie intellectuelle et intime de Simone de Beauvoir.

 Mais au moment de sa mort, rares sont ceux qui ont rappelé ce lien. Il avait conservé toute sa lucidité, mais une solitude grandissante l’entourait. Claude Lzman n’a laissé ni testament public ni grande déclaration d’adieux. Et depuis, une question nous hante. Quand le gardien de la mémoire s’éteint, qui portera le flambeau de l’histoire ? Claude Landzman naî le 27 novembre 1925 à Paris dans une famille juive d’origine biélorusse.

Très jeune, il est confronté à l’exil et à la peur. En 1943, à 17 ans, il entre dans la résistance, échappant à la déportation. Cette expérience fondatrice forge en lui une obsession, celle de témoigner. Après la guerre, il suit des études de philosophie à Tubingen puis enseigne en Allemagne où il découvre l’ampleur du refoulement nazi.

 De retour en France, il se lie au monde intellectuel de la gauche existentialiste. En 1952, il rencontre Jean-Paul Sartre et Simone de Beauauvoir. Cette dernière devient sa compagne pendant près de deux décennies. Ensemble, ils militent, écrivent, débattent. Lzman devient une figure incontournable de la revue Les temps modernes qu’il dirigera jusqu’à sa mort.

 Mais l’œuvre de sa vie, celle qui lui coûta 13 années de combat personnel et artistique, reste choa ce film monumental sorti en 1985 bouleverse le monde. Aucun plan d’archive, aucune musique, seulement des visages, des silences, des récits. Il interroge survivants, bourreaux, témoins mués. Le choc est immense. Le film devient une référence enseignée dans les écoles, salué dans les institutions.

 Pourtant, Landzman n’est pas un homme docile. Il refuse de réduire son travail à un outil pédagogique. Il revendique la radicalité, l’exigence de vérité brute. Cette posture dérange, isole. Il devient une figure respectée mais redoutée. Dans les années suivantes, il poursuit sa quête de mémoire. Tsaal, un vivant qui passe, le dernier des injustes.

 Chacun de ces films explore les zones grises de l’histoire avec une rigueur inflexible. En 2009, il publie son autobiographie, le lièvre de Patagonie où il revient sur son enfance, ses amours, ses batailles intellectuelles. Peux savent qu’il a aussi été un père en deillet. Son fils Félix, né mariage avec l’actrice Angélica Schrodorf, se suicide à 23 ans.

Cette tragédie le marque à jamais. Lzman fut célébré mais souvent mal compris. Il incarnait une parole de fer, une éthique inflexible. Dans un monde saturé d’image. Il imposait la parole nue. Malgré la reconnaissance, il resta part. Académicien marginal, sineste hors système, penseur sans école. À la fin de sa vie, il craignait une chose, que le devoir de mémoire devienne un rituel vide.

 Il le disait sans détour. Il n’y a pas de fin à la choa. Ce refus du réconfort, cette insistance sur la douleur intacte fond de lui un homme difficile à intégrer dans les célébrations officielles. L’appartement de la rue de Varen où Claude Lman vivait seul baignait dans un silence total ce matin du 5 juillet 2018.

 Il était aux alentours de 10 heures lorsque son assistante le trouva inanimée dans son fauteuil de lecture. La veille, il avait encore corrigé un texte pour les temps modernes avec la même rigueur intransigente qu’à ses débuts. Aucun signe d’agonie, aucune alerte préalable. Le médecin légiste conclura à une mort naturelle probablement survenue durant la nuit.

 Conséquence d’un affaiblissement généralisé lié à l’âge. À 92 ans, Lunzman était affaibli mais lucide. et travaillait encore avec acharnement sur un projet documentaire inachevé. L’annonce de sa disparition est d’abord sobre, relayée par l’AFP. Aucune déclaration officielle immédiate du ministère de la culture, pas de deuil national.

 Ce n’est que plusieurs heures plus tard que le président Emmanuel Macron s’exprime saluant la voix d’une conscience. Le monde intellectuel réagit en ordre dispersé. Quelques médias rappellent l’importance de Choa. D’autres se contentent de brèves encadrés. Dans les jours suivants, une cérémonie sobre est organisée au cimetière de Montparnas.

 Aucun cortège d’État, pas de fanfares républicaines, simplement des proches, des universitaires, quelques journalistes. Simon Veille, son ami disparu un an plus tôt, avait eu droit aux invalides. Lunzman, lui, s’éteint dans une relative indifférence institutionnelle. Pourtant, son absence crée un vide profond.

 Le dernier témoin actif d’une mémoire vive, cet état. Celui qui avait interrogé les bourreaux en face dans leur langue n’est plus là pour rappeler que les mots tuent autant que les armes. Son œuvre immense semble presque trop vaste pour être assumée par une seule génération. Certains craignent qu’elles deviennent un monument figé, consulté mais jamais réécouté.

 Des enseignants témoignent. Les jeunes trouvent Choa lent. L’ombre d’un oubli menace. Il y a aussi les voix discordantes. Un ancien collègue affirme que Lunzman n’a jamais préparé la transmission de ses archives, qu’il aurait tout gardé pour lui. Ce manque de passage de relais soulève une inquiétude.

 Son héritage documentaire est-il en danger ? La cinématique française rassure, les bandes originales ont été numérisées, les droits transmis à ses ayants droits. Mais qui saura continuer ce travail de témoignage sans trahir son esprit ? L’université hébraïque de Jérusalem où lman intervenait régulièrement organise un colloque postume en son honneur.

 Un survivant polonais interrogé dans Choa, y déclare “Il nous a regardé en face, maintenant c’est à nous de faire pareil.” Et pourtant, un malaise persiste. Dans une époque dominée par la rapidité, le streaming et les résumés, Shoa devient une œuvre de plus en plus exclue des circules de diffusion classique.

 Netflix la refuse à plusieurs reprises en invoquant la durée et la non accessibilité du format. Amazon Prime la propose dans une version morcelée contre la vie des aillants droits. Lunzman, s’y était encore là, aurait certainement refusé ce traitement. Il exigeait la patience, le respect du silence, l’écoute sans filtre.

 Le twist final de ce récit. Quelques mois après sa mort, une société israélienne d’intelligence artificielle propose une mise en scène augmentée de choa en recréant les témoins avec des avatars numériques pour le public scolaire. La fondation Lman s’y oppose fermement. Pour elle, la mémoire n’a pas besoin d’images synthétique mais de vérité nu.

 Ce débat reste ouvert comme une énigme laissée par Claude Lunzman. lui-même. Comment faire vivre une œuvre fondée sur l’irréductibilité du réel dans un monde qui tente à tout reconstituer ? La question du patrimoine laissé par Claude Lzman n’a jamais fait les gros titres. Pourtant, derrière l’image du cinéaste engagé et solitaire se cache une réalité plus complexe faite de droits, d’archives, de manuscrits inédits et de tensions latentes.

 Au moment de sa mort, Lunsman occupait un appartement dans le très chic 7e arrondissement de Paris, rue de Varen. Ce logement, selon le monde appartenait à l’État, mise à disposition dans le cadre de son activité pour les temps modernes et son statut d’académicien marginalement honoré. Il ne laisse pas de propriété immobilière enregistré à son nom, mais son véritable héritage réside ailleurs dans la valeur symbolique et financière de ses œuvres.

Le plus grand actif de son patrimoine est évidemment Choa, une œuvre aujourd’hui protégée par plusieurs institutions. Les droits de diffusion appartiennent à la société les films ALF, fondés par Lman lui-même. À sa mort, cette structure est transmise à ses héritiers directs. Officiellement, il laisse derrière lui deux enfants.

Angélique Lunman, né d’un précédent mariage et un fils adopté avec Angelica Schrsdorf, déjà décédé. La répartition des droits a fait l’objet d’une révision notariale, mais aucune procédure judiciaire n’a été médiatisée. Selon une enquête de Téléama, Angélique aurait renoncé à une partie de l’exploitation commerciale afin de préserver l’intégrité artistique de l’œuvre.

 Concernant la fortune personnelle de Lsman, les chiffres sont rares et difficilement vérifiables. Une estimation non confirmée par Force France évoque une valeur globale d’environ 2 millions d’euros incluant les droits d’auteur de ces films et ouvrages, le lièvre de Patagonie, la tombe du divin plongeur et cetera. À noter qu’il touchait également des revenus de conférences et de fonctions honorifiques dans plusieurs universités.

Les contrats de diffusion internationaux, notamment avec les États-Unis, l’Allemagne et Israël ont été renégociés peu avant sa mort, apportant une nouvelle source de revenu aux ayants droits. Mais le patrimoine de Claude Lunman ne se limite pas à l’argent. Une autre bataille plus discrète s’est engagée autour de ses archives personnelles.

 Des milliers de pages de notes de bandes non montées, d’enregistrement privé avec Simone de Beauvoir ou Jean-Paul Sartre dorment encore dans des caisses entreposées dans un dépôt sécurisé de la BNF. Leur valeur historique est inestimable, mais leur statut juridique reste flou. Qui a le droit de les consulter ? Peut-on les publier ? Plusieurs chercheurs réclament un accès, mais la fondation Lman impose des restrictions strictes, invoquant le respect de la volonté du défunt.

 En 2022, un litige oppose brièvement la fondation à une maison d’édition suisse qui souhaitait publier une série de lettres inédites de Lman à de Beauvoirs. L’affaire se règle à l’amiable mais laisse transparaître une volonté claire. contrôler l’image post de l’auteur. Car derrière chaque mot, chaque silence de lunman se cache une stratégie de mémoire.

 Même dans la mort, il refuse le compromis. À la question : “At-il tout prévu ?” La réponse semble nuancée. Oui, il a organisé juridiquement les grandes lignes de sa succession, mais non, il n’a pas désigné de successeur spirituel. Aucun testament symbolique, aucun mot d’adieu, aucun dernier gardien nommé. C’est peut-être là la vraie faille.

 Il a légué une œuvre monumentale mais sans en confier la clé. La disparition de Claw Landzman pose une question plus large, presque vertigineuse. Que devient une mémoire sans porteur ? À travers Choa et ses autres œuvres, Lzman n’a pas seulement filmé des survivants, il a fixé une méthode, un rapport à la vérité, une rigueur qui semble aujourd’hui presque impossible à maintenir.

 Dans un monde saturé d’images reconstituées, de récits remixés à l’infini, son refus d’utiliser la moindre archive visuelle peut paraître archaïque. Et pourtant, c’est précisément cette austérité qui conférait à ces films leur puissance. Chers téléspectateurs, la mémoire peut-elle survivre à une époque qui privilégie la vitesse au silence, le choc visuel à la lente écoute ? Le Calandman révèle aussi les limites de la transmission culturelle.

 Pendant des décennies, l’État français a confié aux intellectuels la charge de construire le récit historique. Mais qui aujourd’hui est prêt à consacrer 13 ans à un seul film, à refuser les financements faciles, à affronter les témoins les plus glaçants de l’histoire contemporaine, les jeunes générations, bien que sensibilisées, semblent moins enclines à supporter la densité émotionnelle de ces œuvres.

 Plusieurs enseignants interrogés par France Culture à vous ne montrer que des extraits de choix craignant de perdre leurs élèves. Une forme de trahision pédagogique qui aurait sans doute profondément heurté Lzman. La technologie elle avance sans état d’âme. Depuis 2020 plusieurs start-ups proposent de faire revivre des témoins disparus grâce à Lia Générative.

 Des projets de musée virtuel avec avatar animés se multiplient. Est-ce cela l’avenir du témoignage ou bien une perversion de l’authenticité que Lzman défendait bec et ongle ? Dans une tribune postume, l’historienne Anette Viviurka alerte : “Rien ne remplacera la chair tremblante d’un survivant. L’émotion ne se code pas.

 À ce titre, l’œuvre de Landzman agit comme une mise en garde. On ne reconstitue pas la choa, on l’écoute.” Il est aussi permis de se demander pourquoi la République ne lui a pas offert un hommage à la mesure de son apport. Trop politique, trop indépendant, trop inclassable, Landzman n’intrait dans aucune case et cela dérangeait.

 Sa liberté farouche, son refus des dogmes, y compris ceux de son propre camp, l’ont laissé seul dans ces dernières années. Un isolement qui contraste avec la solennité de son propos. Cela dit beaucoup sur notre rapport aux voix dérangeantes. On les célèbre après les avoir mis à distance. Et vous, chers spectateurs, que retenez-vous de ceux qui ont consacré leur vie à porter la parole des autres ? Est-ce notre rôle désormais de devenir les nouveaux passeurs ? Claude Lzman n’a jamais demandé à être aimé.

 Il a exigé d’être écouté. Encore faut-il que quelqu’un tende l’oreille. Mesdames, messieurs, Claude Lzman s’est éteint dans un monde qui peu à plus perd le goût du silence et de l’écoute profonde. Celui qui avait passé sa vie à attendre le micro aux survivants d’un drame indicible n’a eu pour ses propres adieux qu’un murmure.

 Pourtant, son œuvre continue de hanter notre conscience collective comme une injonction à ne jamais détourner le regard. Il n’a pas laissé de formule magique ni de guide, seulement des récits bruts, des visages éprouvés, des silences plus éloquent que 1000 discours. Dans un temps où l’image est manipulée, où la vérité semble parfois vaciller, ces films demeurent une boussole morale.

 Mais encore faut-il vouloir la suivre ? Il n’y a pas de remplaçant pour Claude Lzman, il n’y a que nous. Et une question essentielle qu’il nous laisse, suspendue dans l’air, vous souvenez-vous encore de qui il était ?

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